Les aigles
III
« Malika », sa Malika. Son cœur, sa joie, son espérance.
Augustin a attendu toute la semaine pour la retrouver. Il leur est si difficile de se voir. Cette après-midi, elle a réussi à s’échapper d’Assiou. Elle a traversé la digue en catimini et l’a rejoint sur la berge de Konios, posé sur la langue de terre, entre le fleuve et le marais. Elle était si belle à regarder, sautillant sur la digue. Malika, si mignonne et si enjouée. Cet air de princesse. Comment une créature si gracieuse a-t-elle pu naître chez ceux d’en face ? Marjane et Oussama, ses parents, n’ont l’air que de pauvres hères à côté d’elle. Si Malika affiche parfois quelques unes de leurs expressions, elle ne partage avec eux aucun de leurs traits. Pas un cil, pas un bout de chair. Malika, si belle, si différente, cet air noble. Augustin piaffait avec une fleur de pavot à la main.
« Je t’aime un peu, beaucoup, passionnément… », se disait-il en comptant ses longs pétales mauves, si fins, si fragiles, comme Malika.
Malika, « sa » Malika. Ils sont inséparables. A la vie, à la mort. Ils partagent tout. Malika a neuf printemps, Augustin douze. Elle est la petite sœur qu’il a toujours rêvé d’avoir. Elle est l’innocence, la patience, la bienveillance, l’enthousiasme. Tant de choses que Paul, son frère aîné et son meilleur ennemi, ne lui a jamais offertes.
Malika et Augustin ont fait connaissance deux crues plus tôt. C’était à la fête de la Vierge où, une fois l’an, les enfants de Konios et d’Assiou jettent ensemble des offrandes dans le Nil. Une des rares occasions de rencontre entre les deux communautés. Chaque année, Konios, la copte, verse un tiers de sa pêche et de ses cultures à Assiou, la musulmane. En échange, Assiou « protège » Konios contre les bédouins du désert. C’est la loi. Depuis au moins dix générations. Quand un habitant de Konios croise à pied un habitant d’Assiou, il doit détourner la tête ou l’incliner, car les coptes ne sont bons qu’à payer la jizya (le tribut) aux musulmans. Alors nouer des amitiés…
*
Dès leur premier regard, Augustin et Malika ont su qu’ils n’étaient qu’un. Musulman ou non. Copte ou non. Qu’en dehors d’eux, le monde n’existait plus. Qu’ils étaient faits pour s’entendre et s’aimer, pour toujours.
De part et d’autre de la digue, leurs parents, Jean et Hélène pour Augustin, Oussama et Marjane pour Malika, ferment les yeux sur les rencontres de leurs chérubins. Comme pour maintenir un lien entre les deux villages.
Malika aime Augustin tel qu’il est. Sans le juger, sans jamais se moquer de lui, contrairement à Paul. Quand ils sont ensemble, tout leur parait simple, facile, évident. Malika, toute de douceur et d’espièglerie, est l’être le plus charmant de la Terre. Tous les enfants de Konios et d’Assiou les envient. Paul et Lydia les premiers.
Lorsque Paul demande à Augustin :
- Pourquoi es-tu toujours avec elle ?
- Parce-que…, répond Augustin, en rougissant, sans plus s’étendre.
- Il est amoureux, il est amoureux !
Augustin baisse la tête.
*
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La Missive © Fabrice Frémy et les Éditions Cortambert, 2011
ISBN : 979-10-90725-02-7
ben oui quoi !!! y'en a qui exagerent !Je crois que je vais sevir : je vais le roucacrcir ( mais ici pas de guillotine !).. suffit juste d'aller trifouiller dans la bdd !
Rédigé par : Adison | samedi 25 fév 2012 à 15h27